LES RAIES MANTA, LES REINES DES LAGONS
Les raies manta sont de grands poissons gracieux, connus pour leur beauté et leur taille impressionnante. Elles sont souvent décrites comme magnifiques et majestueuses lorsqu’on les observe sous l’eau. Cependant, les raies manta deviennent de plus en plus rares dans les lagons de la Polynésie française en raison des activités humaines telles que le trafic maritime, la pollution et la dégradation de leur habitat. À Bora Bora — autrefois un habitat florissant pour ces doux géants — un groupe local de conservation œuvre désormais à les étudier et à les protéger, tout en sensibilisant le public à leur rôle essentiel dans les écosystèmes marins et aux menaces qui pèsent sur elles.
Qui pourrait oublier le petit œil curieux d’une raie manta tentant d’établir un contact visuel ? Ou encore la danse gracieuse de ces géantes paisibles nageant à proximité, partageant un moment silencieux et magique ? Pour tout plongeur, ces rencontres ressemblent à des cadeaux rares et précieux — des instants de paix suspendus entre deux mondes.
Les raies manta font partie de la grande famille des raies, elles-mêmes issues de l’évolution des requins, il y a environ 60 millions d’années, à une époque où la nourriture se faisait plus rare dans les océans. Aujourd’hui, les scientifiques ont identifié plus de 500 espèces de raies, réparties en quelque 18 000 familles, chacune ayant sa propre forme, son habitat et son mode de vie.
La Manta Birostris, qui appartient à la famille des Mobulidés, est la seule espèce de raie manta présente dans les eaux polynésiennes. C’est aussi la plus grande : elle peut atteindre jusqu’à 6 mètres d’envergure et peser plus d’une tonne.
La raie manta a une forme unique. Son corps plat ressemble à un large losange, avec de longues nageoires souples qui lui donnent l’apparence d’ailes. Son dos est brun foncé ou noir, tandis que son ventre est blanc avec des taches noires. Ces taches sont différentes chez chaque raie manta et permettent d’identifier les individus. Son nom, « manta », signifie « couverture » en espagnol, en raison de sa forme large et plate.
Les raies manta se nourrissent principalement de plancton et de petits poissons, qu’elles avalent avec leur grande bouche ouverte. Elles doivent nager en permanence — si elles s’arrêtent, elles risquent de couler et de ne plus pouvoir respirer. La nuit, elles parcourent de longues distances (10 à 20 kilomètres) pour chercher leur nourriture. Le matin, elles vont dans des eaux peu profondes et ensoleillées pour réchauffer leur dos. Cela les aide à mieux digérer en accélérant la décomposition du plancton dans leur estomac.
Une Créature Mythique mais Menacée
À cause de leur apparence « cornue », avec deux nageoires sur la tête qui dirigent la nourriture vers leur bouche, les raies manta ont longtemps été appelées les « démons de la mer ». Elles apparaissent dans de nombreux mythes et légendes et étaient autrefois craintes par les marins. En Polynésie française, certains croyaient que les raies manta empêchaient les plongeurs en perle de remonter à la surface. Aux Tuamotu, de vieilles histoires racontent même qu’elles kidnappaient des enfants. Aujourd’hui encore, certains habitants les redoutent sous l’eau.
Mais en réalité, les raies manta sont totalement inoffensives. Elles ne se nourrissent que de plancton et de petits animaux marins. Leur nature est curieuse et calme. Aucun fait avéré ne soutient ces anciens mythes.
Malheureusement, c’est l’homme qui représente un véritable danger pour elles. En Asie, elles sont chassées pour leur peau et utilisées en médecine traditionnelle. La demande a tellement augmenté qu’elles sont désormais pêchées jusqu’en Afrique et au Mexique. Dans les zones tropicales comme l’Australie, les Maldives, Hawaï et la Polynésie française, les raies souffrent aussi d’un tourisme excessif. Les gouvernements de ces régions commencent peu à peu à les protéger. Les raies manta sont aujourd’hui classées « quasi menacées » par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). En Polynésie française, leur capture, leur commerce ou tout acte leur faisant du mal est interdit depuis 1998. Malgré cette protection, leur environnement reste encore fragile.
Bora Bora : Un Site Clé pour la Biodiversité
Les raies manta vivent dans les cinq archipels polynésiens (sauf Tahiti et Moorea), mais Bora Bora est l’un des endroits les plus fréquentés pour les observer. Cela les expose aussi à des risques. Plus de 40 000 touristes visitent Bora Bora chaque année, et la pression humaine menace la population de raies dans la région.
Depuis 2002, Moeava de Rosemont, plongeur et vice-président de l’Association Manta Polynesia Recherche & Protection, travaille à identifier et suivre les raies manta grâce à la photo-identification. Ses recherches montrent que la présence des raies dépend du tourisme et des constructions près de leurs habitats. Par exemple, le site de Toopua a été abandonné par les raies après la construction d’un hôtel en 2002–2003.
Le site d’Anau est très important. C’est un lieu de regroupement pendant la saison de reproduction et une station de nettoyage où des poissons enlèvent les parasites des raies. Ce site est très fréquenté par des bateaux et des plongeurs, ce qui perturbe les raies. En 2005, elles ont quitté ce site, probablement à cause de cette pression. Mais en 2009, avec la baisse du tourisme due à la crise économique, certaines raies ont commencé à revenir. En 2010, on estimait qu’il ne restait plus qu’une vingtaine de raies à Bora Bora, contre plus d’une centaine dans les années 80. Leur protection est devenue une priorité écologique et économique.
Que Faire ?
L’avenir de ces doux « démons de la mer » dépend de la protection de leur environnement. L’Association Manta Polynesia Recherche & Protection propose la création d’une aire marine protégée autour d’Anau. Elle suggère d’employer des gardes-lagons parlant français, anglais et tahitien pour sensibiliser le public et sanctionner les contrevenants. Le financement pourrait venir de la vente de petits objets souvenirs en nacre, symbolisant une « taxe écologique ».
Seule une mobilisation forte de tous — gouvernements, habitants et visiteurs — pourra sauver ces créatures majestueuses et fragiles.